Dreyfus fait couler beaucoup d’encre
depuis maintenant 120 ans et si nous avons l’impression de bien connaître l’affaire,
nous en oublions l’homme, rarement pris en compte. Laurent Greisalmer est clair
dans son avant-propos : cet ouvrage est consacré à la vie d’Alfred Dreyfus,
l’homme qu’il était et la perception qu’il avait de sa situation.
Le père d’Alfred, Raphaël
Dreyfus, a permis l’ascension sociale de la famille grâce en s’intégrant dans
le monde industriel alors en pleine expansion. Désormais citadins, ils sont
installés à Mulhouse. Cependant, avec l’occupation allemande de 1870, une
partie de la famille quitte l’Alsace pour le sud de la France où une sœur d’Alfred
s’est établie. Ce dernier intègre Polytechnique puis l’armée. Il est très
apprécié de ses supérieurs qui ne tarissent pas d’éloges sur son compte, seul
son fort accent alsacien lui est gentiment reproché. Il gravit les échelons et
passe de lieutenant à capitaine. Dans le même temps, jeune homme séducteur il
apprécie la compagnie des femmes et épouse Lucie Hadamard en avril 1890. Deux
enfants naissent de cette union. Alfred Dreyfus continu son ascension
professionnelle en intégrant l’Ecole Supérieure de la guerre. Une vie sereine,
pleine de promesse s’offre au jeune officier lorsque tout bascule. Soudain, il
est accusé de trahison envers son pays, condamné, il est déporté en Guyane. Il
n’a de cesse de vouloir prouver son innocence mais, enfermé, il ne saisira l’ampleur
de l’affaire Dreyfus que lors de son retour en France. Toute sa vie, Alfred
croit en la justice et a confiance en les institutions de son pays, il voue un
culte à la République. Pourtant, il n’est plus considéré comme une personne
mais comme une cause politique. Deux parties s’opposent et déchirent le pays
alors soulevé par une vague antisémite. De grands noms défendent Dreyfus et à
travers lui leur vision de la République : Zola, Jean Jaurès, Georges Clémenceau…
Mais beaucoup ne voient pas la souffrance de l’homme qui se trouve au cœur de
cette affaire, seul le côté politique compte.
Laurent Greisalmer remédie à cela
avec son autobiographie La vraie vie du
Capitaine Dreyfus. Cet ouvrage nous permet de découvrir un homme pris dans
les passions de son temps, un personnage trop longtemps oublié. Ce travail bien
documenté, est parsemé de nombreux extraits de la correspondance d’Alfred
Dreyfus. Très agréable à lire, il manque cependant des notes renvoyant aux
sources ou ouvrages utilisés. Par ailleurs, il aurait été agréable de voir en
annexe une ou deux photos du capitaine Dreyfus, notamment de sa jeunesse
puisque l’une d’elle est d’ailleurs évoquée dans le texte. C’est un livre qui
se lit d’une traite même si les tenants et aboutissants de l’affaire Dreyfus
sont connus, ce qui montre l’habilité de l’écrivain.
"Après plus de quatre années d'épreuves physiques et morales, il mesure le poids des passions humaines qui se sont affrontées à travers son cas."
"[...] il se drape dans le silence, coincé entre la rumeur de l'océan et ses tempêtes intérieures permanentes."
Laurent Greisalmer a reçu le 4 décembre dernier le prix spécial du jury Du Guesclin pour cet ouvrage ! http://www.livreshebdo.fr/article/le-prix-du-guesclin-designe-ses-laureats
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